Les premiers missionnaires
C'est à partir de 1818 que la présence continue de l'Église catholique se fait sentir dans l'Ouest canadien. À la demande expresse de Lord Selkirk, les prêtres Joseph-Norbert Provencher et Sévère-Joseph-Nicolas Dumoulin sont arrivés à la rivière Rouge, mais le nombre de missionnaires dans la colonie fut toujours très, très faible, jusqu'à l'arrivée des missionnaires Oblats de Marie immaculée en 1845. Par contre, dès 1820, il y eut aussi l'arrivée de missionnaires protestants appartenant à la Church Missionary Society de l'Église anglicane et, à partir de 1840, les missionnaires méthodistes, très actifs auprès des autochtones. Dès 1818, les deux missionnaires avaient commencé à enseigner la lecture et la grammaire française ainsi que le catéchisme aux jeunes Métis, créant ainsi officiellement le Collège de Saint-Boniface, plus ancienne institution académique de l'Ouest Canadien. À la demande de Provencher, devenu évêque, les sœurs grises sont arrivées à la colonie en 1844 et elles se sont occupées immédiatement de l'éducation des filles et des garçons, des malades et des pauvres, et même des services domestiques auprès des membres du clergé. Quelques trente ans plus tard, les sœurs grises fondèrent l'hôpital de Saint-Boniface, le premier dans l'Ouest.
Mgr Provencher se rend compte que les prêtres séculiers seront toujours en nombre insuffisant pour l'énorme tâche à accomplir; seul un institut missionnaire peut assurer efficacement l'évangélisation du territoire. Il fit donc appel aux missionnaires Oblats de Marie-Immaculée (OMI). Cette congrégation avait été fondée en 1816 à Aix-en-Provence, par l'abbé Eugène de Mazenod et peu de temps après, elle s'était établie au Canada, au Sri Lanka, au Texas et en Afrique australe. En 1845, deux missionnaires oblats, Pierre Aubert et le très jeune Alexandre Taché, quittent Montréal et arrivent deux mois plus tard à Saint-Boniface, petite communauté francophone ayant vu le jour en 1818 avec l'arrivée de Provencher et Dumoulin. Entre 1853 et 1870, une vingtaine de missionnaires oblats ont assuré le ministère catholique auprès des autochtones, des Métis et des Blancs un peu partout dans l'Ouest (les missions de la Nouvelle-Calédonie, la future Colombie-Britannique étaient dirigées par des missionnaires de l'Oregon).
Le développement de la « francophonie » dans l'Ouest canadien ne s'est pas faite sans difficulté. En dépit des demandes incessantes du clergé du Manitoba auprès des Canadiens français de la vallée du Saint-Laurent d'immigrer vers l'Ouest, ils préféraient s'investir ailleurs au Québec (dans la région du Lac Saint-Jean, les Laurentides, l'Abitibi, etc.), dans les états de la Nouvelle-Angleterre (le Vermont, le New Hampshire, le Maine, le Rhode Island, etc.), voire même dans l'Ontario voisin, et les lointaines Prairies ne les intéressaient guère, du moins pas avant les années 1890. Selon
Allaire (2014, p. 29)[2] « les conditions favorables [à l'immigration] ne furent réunies qu'après la fin du peuplement de l'ouest des États-Unis, le parachèvement du transcontinental Canadien Pacifique et la mise au point de variétés de blé mieux adaptés aux conditions climatiques des prairies »
. L'immigration francophone s'amorça donc vers les 1890, va s'accélérer durant la décennie suivante, et atteindra son apogée durant les années précédant la Première Guerre mondiale.