L'immigration dans l'Ouest
Au cours des années 1890, le gouvernement fédéral favorisait activement l'immigration dans l'Ouest canadien, ses politiques étant en grande partie élaborées par le Ministre de l'Intérieur, Clifford Sifton, opposant du bilinguisme anglais-français. Il en résultat l'arrivée de grandes vagues de colons anglophones de la Grande-Bretagne et des États-Unis et de différentes ethnies en provenance surtout de l'Europe de l'Est. Le clergé catholique et le milieu des affaires francophones rêvaient également à une colonisation de langue française dans l'Ouest. Mais ils se heurtaient à de nombreux défis au Québec : la résistance du clergé et des politiciens qui préféraient voir le peuplement des régions septentrionales de la province, le coût élevé des voyages en train pour se rendre dans l'Ouest, les emplois nombreux et bien rémunérés offerts par les villes industrielles de la Nouvelle-Angleterre, etc. Néanmoins, les recruteurs eurent un certain succès aux États-Unis, en faisant la promotion de la colonisation de l'Ouest canadien auprès des Franco-américains, attirés par la perspective d'un retour à la vie rurale. Le recrutement se faisait également en France, en Belgique et en Suisse. Mais la France, qui cherchait également des colons pour recoloniser ses terres de l'intérieur et pour ses colonies d'Afrique du Nord, finit par refuser l'accès aux recruteurs canadiens. Néanmoins, grâce aux publicités des Oblats et par la bouche et oreille, de nombreux colons français se rendirent dans l'Ouest. Des colons francophones vinrent également d'Alsace et de Lorraine, qui étaient des possessions allemandes.
Le clergé a joué un rôle central dans ce mouvement, la colonisation étant souvent le résultat de l'initiative de missionnaires catholiques. Puisque l'objectif était d'assurer une présence francophone dans tout l'Ouest canadien, plusieurs foyers de peuplement se sont développés. Cela a entraîné un grand éparpillement des communautés francophones, surtout en Saskatchewan, mais aussi en Alberta, où l'on retrouvait plusieurs groupements de paroisses canadiennes-françaises. Quant aux régions montagneuses de la Colombie-Britannique et du Yukon, qui offraient des conditions peu propices à l'agriculture, c'est plutôt le potentiel forestier et minier qui y a attiré des colons à la fin du XIXe siècle et au début du XXe siècle.
L'attrait principal des provinces dites « des Prairies » (les districts des Territoires du Nord-Ouest sont devenus les provinces de la Saskatchewan et de l'Alberta en 1905) était la gratuité des terres. Un colon pouvait obtenir 65 hectares de terre gratuitement tant qu'il améliorait la terre, la cultivait et y vivait pendant trois ans. Son seul coût était un droit d'enregistrement de 10$. Mais il fallait travailler d'arrache-pied pour labourer l'épaisse terre glaise, construire une maison dans un pays sans forêts et obtenir une récolte. Les charrues étaient tirées par des bœufs, les semences se faisaient à la main et les maisons étaient souvent construites de mottes de gazon.
Entre 1885 et 1921, la population francophone de l'Ouest n'a cessé d'augmenter, passant d'environ 17 000 en 1885 à 125 000 en 1921 Allaire (2014)[1]. Au Manitoba, c'est à Saint-Boniface et ses environs (La Broquerie, Sainte-Anne, Saint-Jean-Baptiste, Saint-Malo) que la majeure partie de la population de langue française s'est établie.
Des colons d'origine auvergnate s'étaient établis au sud-ouest et avaient créé les paroisses de Saint-Claude et Notre-Dame-de-Lourdes et plus à l'ouest encore, des Belges avaient fondé la communauté de Bruxelles. Les villages qui avaient été fondés par les Métis de langue française ont également vu venir des colons canadiens-français ou européens, tels que Saint-Eustache, Saint-Laurent, Saint-Vital, Sainte-Agathe, Sainte-Madeleine et Saint-Lazare. En Saskatchewan, les villages francophones sont éparpillés en quatre régions principales : au sud, Gravelbourg, Ponteix, Ferland, Willow-Bunch (sud-ouest), Bellegarde, Forget, Montmartre (sud-est); au centre, Saskatoon, Saint-Denis, Vonda, Prud'homme; au centre-nord, Prince-Albert, Domrémy, Saint-Louis, Saint-Brieux, Hoey, Duck Lake, et vers l'ouest, North Battleford, Debden, etc. En Alberta, il y eut peu de colonies dans le sud de la province, la seule exception étant Pincher Creek. La plupart des communautés francophones sont regroupées dans la région d'Edmonton (Edmonton, Beaumont, Saint-Albert, Morinville, Legal), au nord-est (Bonnyville, Saint-Paul, Plamondon) et dans la région de la Rivière-la-Paix, au nord-ouest (Falher, Donnelly, Girouxville, Guy et Peace River). Ces dernières communautés avaient été fondées par des colons québécois et des francophones de l'Ouest, arrivés entre 1912 et 1930.