Les variétés laurentienne et acadienne
Au Canada, il existe deux souches distinctes du français : la souche « laurentienne » et la souche « acadienne ». La souche laurentienne est celle de l'ancienne Nouvelle-France, devenue, entre autres, la province du Québec actuel, et la souche acadienne est celle de l'ancienne colonie d'Acadie, aujourd'hui devenue les provinces « des maritimes » (la Nouvelle-Écosse, le Nouveau-Brunswick, et l'Île-du-Prince-Édouard).
Pierre Dugua, sieur de Mons, fonda l'Acadie en juin 1604, à l'île Sainte-Croix, située près de l'embouchure du fleuve Sainte-Croix, qui aujourd'hui forme la frontière internationale séparant l'état américain du Maine de la province canadienne du Nouveau-Brunswick. Ce sera la première colonie française en Amérique du Nord. Dès le printemps suivant, le scorbut ayant tué la moitié des hommes de Dugua, la colonie fut déplacée de l'autre côté de la Baie française (aujourd'hui la Baie de Fundy), à Port Royal.
Ce n'est pas ici l'endroit pour décrire la longue et complexe histoire de l'Acadie. Suffit-il de dire que le français acadien diffère à de nombreux égards (phonologique, morphologique, syntaxique et lexical) du français laurentien et que ceci est dû, en partie du moins, au fait que les colons d'Acadie étaient originaires du Maine, de l'Anjou et de la Saintonge, donc des régions situées au sud de la Loire (en France) et qu'on y retrouve l'influence des parlers angevins, manceau, tourangeau et poitevin-saintongeais, alors que l'origine des colons de la Nouvelle-France était surtout de Normandie (± 20 %), de l'Île-de-France (± 17 %) et des provinces de l'Ouest (± 33 %) (Aunis, Poitou, Perche, Saintonge), donc surtout, mais pas exclusivement, des régions situées au nord de la Loire.
Puisqu'il y a eu peu d'immigration de colons d'origine acadienne dans l'Ouest canadien, il s'agira dorénavant surtout du français laurentien lorsqu'on discutera les variétés de français à l'ouest du Québec.
Comme nous l'avons vu dans les sections précédentes, il existe des communautés francophones, la plupart du temps en situation linguistique minoritaire, dans toutes les provinces de l'Ouest canadien. Ces communautés peuvent de nos jours être constituées de groupes d'origine différentes : Métis francophones, descendants des premiers Métis de l'Ouest, par exemple à Saint-Laurent au Manitoba; Canadiens français « de souche », c'est-à-dire de descendants des premiers colons francophones venus soit directement du Québec, soit de certains états américains (par exemple, ceux de la Nouvelle-Angleterre ou du Mid-Ouest américain) ou encore de l'Ontario; Européens, c'est-à-dire des descendants de colons venus de France, de Belgique ou de Suisse à la fin du XIXe et au début du XXe siècle, ainsi que d'immigrants plus récents, venus du Québec, d'Europe francophone, d'Afrique (surtout du Maghreb et des pays francophones de l'Afrique centrale et occidentale) et même de l'Asie (anciennes colonies françaises, telles que le Viêt Nam, le Cambodge ou le Laos).