Conclusion

Nous retiendrons de cette étude que l'utilisation de you know peut s'expliquer en termes de contraintes sociales. La forme you know a une forte connotation sociale, qui marque l'appartenance aux classes les moins instruites. Son utilisation est caractéristique des personnes dont le degré de restriction linguistique est maximal. Par ailleurs, l'utilisation très circonscrite de you know (85 % des occurrences ayant été produites par seulement cinq locutrices de profil quasi identique) suggère qu'il est aussi caractéristique d'une communauté linguistique précise, revendiquant une identité de « personne bilingue ». Certains témoignages relevés dans les entrevues des cinq locutrices, chez qui l'emploi de you know est prépondérant, laissent effectivement entrevoir une possible association entre cet emprunt et une identité linguistique affirmée. Toutefois, aucune indication précise ne permet d'affirmer cela et seule une analyse en profondeur de l'ensemble des entrevues des deux corpus permettrait peut-être de confirmer un tel lien.

Du point de vue interne à la langue, nous avons vu que l'alternance entre you know et t'sais ne pouvait s'expliquer en terme de rôle de marqueur et que le statut grammatical même de you know apparaissait comme ambigü. Poplack (1993, p. 282)[1] soulignait d'ailleurs que « determining the status of the ambiguous item depends crucially on its linguistic and social context of occurrence. » Nous conclurons donc notre étude en soulignant que, selon nous, le cas de you know illustre parfaitement ce principe. À première vue, la complexité syntaxique apparente (sujet + verbe) de you know et le caractère monolingue des éléments qui composent la forme laissent penser qu'il s'agit d'une alternance codique. Cependant, son utilisation fréquente, mais aléatoire, chez certaines personnes, nous invite finalement à formuler l'hypothèse que, lorsqu'il est employé comme marqueur discursif, you know relève de l'emprunt d'incompétence spontané et non-assimilé.