Les premiers conflits
En 1811, Thomas Douglas, comte de Selkirk, philanthrope écossais et actionnaire important de la CBH[1] à Londres, obtient de celle-ci 300,000 km2 de terre le long des rivières Rouge et Assiniboine, dont les frontières touchent le Manitoba et le Dakota-du-Nord actuels. Il désire y créer une colonie pour établir des colons écossais des Highlands et des îles Orcades ainsi que des Irlandais. Ceux-ci pourront approvisionner en denrées les employés de la CBH[1], au lieu d'avoir recours au pemmican fournis par les Métis francophones. Douglas voulait aussi freiner le commerce de la CNO[2].
Les premiers colons écossais et irlandais arrivent en 1812 sous le commandement de Miles MacDonnell, gouverneur de la colonie, appelée Assiniboia, et construisent le fort Douglas, tout près du fort Gibraltar qui appartenait à la CNO[2]. Les colons ont énormément de difficulté à survivre à leur premier hiver et c'est grâce aux Métis de la CNO[2] et de la CBH[1] qu'ils parviennent à le traverser de peine et de misère. Vu que les récoltes de la première année suffisaient à peine à nourrir la jeune colonie, en 1814, le gouverneur MacDonnell lance la proclamation interdisant toute exportation de provisions en dehors de la colonie, incluant évidemment l'exportation de pemmican, ce qui rend furieuse toute la population métisse locale et menace sérieusement le système de transportation de la CNO[2]. Cette malheureuse décision eut comme résultat que la CNO[2] réussit à convaincre les Métis que leur survie était menacée et qu'ils devaient s'opposer au développement de la colonie. Les employés de la CNO[2], aidés d'un groupe de Métis, arrêtent le gouverneur, attaquèrent le fort Douglas et le brûlèrent. Les colons se retirent de la colonie. L'année suivante, MacDonnell sera remplacé par Robert Semple.
En 1816, Semple et les colons reviennent à la rivière Rouge et s'emparent du fort Gibraltar et le détruisent. Mais les Métis préparent une contre-attaque. Cuthbert Grant, capitaine général des Métis du Nord-Ouest, réunit une centaine de cavaliers métis pour escorter une cargaison de pemmican au lac Winnipeg afin d'approvisionner les brigades de canots en route vers l'Athabasca. Voulant éviter le Fort Douglas, Grant et ses hommes se dirigent vers un endroit appelé la Grenouillère, mais le terrain marécageux les oblige de raccourcir leur circuit et ils sont aperçus par une sentinelle du fort Douglas. Semple et vingt-quatre hommes partent les intercepter. Ils se rencontrent et un coup de fusil est tiré; Semple est blessé à la jambe. Ceci déclenche une bataille au fusil. En quelques minutes, Semple et vingt de ses hommes sont tués, contre un seul Métis. Grant prend un des hommes de Semple prisonnier et l'envoie demander la capitulation du fort Douglas. La colonie capitule sur le champ.
Cette bataille marquera le début d'une guerre totale entre les hommes de la CBH[1] et ceux de la CNO[2] et, pour les Métis, c'est la première prise de conscience qu'ils représentent une « nouvelle nation », distincte et des Blancs et des Amérindiens. Bientôt, de nombreux événements de plus en plus violents incitent le gouvernement britannique à exiger que les compagnies rivales règlent leurs différends. En 1821, les deux compagnies fusionnent, toujours sous l'appellation de la CBH[1]; les actionnaires et les officiers de la CNO[2] continuent de partager les profits de la traite et la majorité des dirigeants deviennent des employés de la nouvelle CBH[1]. Par contre, la colonie de Selkirk est un échec et les terres sont revendues à la CBH[1] en 1836. De nombreux Métis, employés de la CNO[2] voient leur emploi disparaître et se résignent à s'établir sur des lopins de terre dans la colonie, devenant surtout charretiers, transportant des vivres, des peaux ou des os de bison, des marchandises, etc., un peu partout dans l'Ouest.