La gronde des Métis
Nous l'avons vu, la loi créant la province du Manitoba protégeait les droits des Métis. Les titres terriens métis furent reconnus et plus de 600 000 hectares furent réservés pour les enfants des familles métisses. Cependant, ces arrangements furent très mal gérés par les agents du gouvernement fédéral et la plupart des terrains métis furent vendus à vil prix à des spéculateurs fonciers peu scrupuleux. Les Métis se retrouvèrent rapidement si désavantagés qu'ils décidèrent d'immigrer plus à l'ouest, s'installant à divers endroits le long de la branche sud de la rivière Saskatchewan ou de ses tributaires, mais surtout à Batoche et à Saint-Laurent-de-Grandin, ou alors plus au sud, dans la région des collines (nord du Dakota-du-Nord actuel, sud-ouest de la Saskatchewan actuelle), là où se trouvaient encore les plus vastes troupeaux de bisons. De plus, Louis Riel[1] avait dû s'exiler aux États-Unis, suite à des menaces de poursuite des Ontariens, à cause de certains gestes que les Métis avaient posés (dont l'exécution d'un Ontarien qui avait tenté de susciter une contre-rébellion parmi les colons anglophones). Il s'était installé au Montana, où il avait épousé une Métisse et où il enseignait l'école aux enfants métis du coin.
En Saskatchewan, la même situation qui avait eu lieu à la rivière Rouge durant les années 1860 se développa à nouveau. Les Métis parvenaient de moins en moins à vivre de la chasse aux bisons, qui disparaissaient à vue d'œil, et peinaient à faire reconnaître par le gouvernement fédéral leurs droits fonciers sur les lopins de terre sur lesquels ils s'étaient établis. Ottawa faisait la sourde oreille aux nombreuses pétitions de la part des Métis. Aussi, les tribus autochtones, éparpillées ici et là dans des réserves, suite aux traités qu'ils avaient signés avec le gouvernement, voyaient eux aussi les troupeaux de bisons, source principale de leur vivres, disparaître petit à petit, les menaçant même de famine, et là aussi, les autorités canadiennes ne semblaient pas enclins à répondre à leurs doléances.
En désespoir de cause, les Métis de Batoche, sous le commandement de leur chef, Gabriel Dumont, envoya des délégués au Montana prier Louis Riel[3] de venir en Saskatchewan les aider à s'organiser et à forcer le Canada de reconnaître leurs droits. Riel accepta et arriva à Batoche en 1884. Il rallia rapidement plusieurs chefs autochtones à sa cause (entre autres, Big Bear des Cris et Crowfoot des Pieds-noirs). Dans les mois qui suivirent, Riel envoya plusieurs pétitions à Ottawa, toujours sans réponse. Le 8 mars, 1885, les Métis votent une série de droits affirmant le droit de possession de leurs fermes et demandant d'être gouvernés par les autorités à Winnipeg plutôt que par celles d'Ottawa. Ils s'emparent de l'église de Batoche et y installent un gouvernement provisoire, prennent possession du poste de la CBH[4] à Carleton, tout près, déclarent Louis Riel[5] comme président et Gabriel Dumont son commandant militaire.