L'analyse des facteurs externes

Penchons-nous maintenant sur l'analyse des facteurs externes.

Tableau 2 : Analyse factorielle de l'assibilation

Variables internes

n/N

%

Effet

Devant /i j/

117/165

70,9

NS

Devant /y ɥ/

73/116

62,9

Assibilation de /t/

49/93

52,7

0,34

Assibilation de /d/

141/188

75

0,58

Variables externes

Hommes

96/127

75,6

0,59

Femmes

94/154

61

0,42

Classe supérieure

118/190

62,1

0,43

Classe inférieure

72/91

79,1

0,64

Aînés

71/129

55

0,35

Adultes

80/102

78,4

0,62

Jeunes-adultes

39/50

78

0,62

Franco-dominants

58/71

81,7

0,67

Équilibrés

64/119

53,8

0,35

Anglo-dominants

68/91

74,7

0,57

L'analyse des facteurs externes nous fournit plusieurs informations. Tout d'abord, l'assibilation de /t/ et /d/ varie significativement selon le sexe des locuteurs. Les femmes tendent effectivement à assibiler moins que les hommes (61 % pour les femmes contre 75,6 % pour les hommes). Comme nous l'avons vu dans le module 1, et à l'instar des résultats de Bento (1998)[1], cela reflète le caractère plus « normalisant » des femmes, qui emploient davantage les formes prestigieuses que les hommes (Labov, 2001, p. 293)[2]. Il est à noter que les résultats concernant la variation en fonction des classes sociales vont dans le même sens puisque les locuteurs de la classe supérieure assibilent significativement moins que les locuteurs de la classe inférieure (62,1 % pour la classe supérieure contre 79,1 % pour la classe inférieure).

Les résultats exposés au tableau 2 montrent aussi que l'âge des locuteurs est un facteur significatif. Les « aînés » assibilent nettement moins que les « adultes » et les « jeunes adultes » (55 % pour les « aînés », contre 78,4 % pour les « adultes » et 78 % pour les « jeunes adultes »). On peut se demander s'il est possible que les adultes et les jeunes adultes soient plus sensibles à la tendance québécoise d'une assibilation quasi systématique. Cependant, aucune donnée ne nous permet de faire cette affirmation.

L'analyse des facteurs externes montre finalement que le degré de bilinguisme influence significativement l'assibilation de /t/ et /d/. Les « franco-dominants » assibilent davantage que les locuteurs classés dans la catégorie des « bilingues équilibrés » (81,7 % pour les premiers contre 53,8 % pour les seconds). Les locuteurs « bilingues équilibrés » assibilent par ailleurs moins que les locuteurs « anglo-dominants » (53,8 % contre 74,7 % pour les derniers). Par contre, lorsque l'on regarde les statistiques de plus près, on s'aperçoit que la répartition des locuteurs en termes de sexe semble influencer les résultats. Chez les « bilingues équilibrés » (6F vs 4H), les femmes sont légèrement plus nombreuses. Cette différence dans ce groupe explique certainement leur taux inférieur d'assibilation, vu la tendance « normalisante » que nous avons déjà attestée chez les femmes.