Conclusion
Pour conclure cette étude, nous retiendrons tout d'abord que l'assibilation de /t/ et /d/ devant /i j y ɥ/ est loin d'être systématique. Dans un premier temps, on gardera en tête que celle-ci varie d'une consonne à l'autre, mais pas en fonction de la qualité de la voyelle ou de la glissante qui suit, ce qui vient contredire Gendron (1966)[1], qui soulignait que l'assibilation était moins importante devant /y/ que devant /i/, /j/ et /ɥ/.
Par ailleurs, nous avons vu que l'assibilation de /d/ n'implique pas nécessairement l'assibilation de /t/ et vice-versa. On notera également que les locuteurs assibilent plus sur /d/ que sur /t/, ce qui va à l'encontre des résultats obtenus par McDonald (1968)[2] pour le français parlé à Maillardville et Bento (1998)[3]. Rappelons qu'il est possible que ces résultats soient dus à un facteur de fréquence ou à un facteur lexical (le mot « tige » n'ayant été assibilé que par très peu de locuteurs).
Du point de vue externe à la langue, le principal facteur expliquant la variation est d'abord celui du sexe : les femmes, étant plus « conservatrices » que les hommes, ont donc tendance à moins assibiler, ce qui concorde avec les résultats de Bento (1998)[3]. Le second facteur est celui de la classe sociale : les membres de la classe supérieure, également plus conservateurs, assibilent moins que ceux de la classe inférieure.
La variation générale observée dans le taux d'assibilation des /t/ et des /d/ à Prince Albert confirme les écrits de Rochet (1994)[4] et de Walker ( 2003[5], 2005[6]) qui affirment que le phénomène est variable chez les francophones de l'Ouest canadien, contrairement à ce qui semblerait être systématique dans les grandes villes et dans l'Ouest du Québec ( Friesner, 2010[7]).
Enfin, soulignons que les locuteurs observés n'assibilent jamais entre frontières de mots (comme dans « vingt-huit »), contrairement aux écrits de Rochet (1994)[4] et de Walker ( 2003[5], 2005[6]) qui impliquent plutôt que le phénomène est variable. Aussi, il est possible que la nature variable de l'assibilation en Saskatchewan soit due au fait que tous les premiers colons francophones n'assibilaient pas nécessairement, et ce en raison, soit de leur provenance géographique à l'intérieur du Québec (dans certaines régions, comme celle de Charlevoix, certains locuteurs n'assibilent pas systématiquement), soit en raison de leur provenance européenne (où l'assibilation est absente).