L'analyse externe du corpus de Casselman (ON)

Comme nous l'avons vu dans la méthodologie, les trois corpus que nous comparons n'ont pas été construits de façon identique. Cela s'explique d'ailleurs par le fait qu'ils n'ont pas été réalisés dans un tel but. Nous allons donc regarder chacun des corpus, non pas côte à côte comme ce fut le cas dans l'analyse interne, mais indépendamment les uns des autres. Nous verrons un peu plus tard, dans la discussion, quels sont les éléments qui peuvent être déduits de cette comparaison.

Commençons donc par l'analyse du corpus de Casselman. Les résultats obtenus à partir du test Goldvarb sont présentés dans le tableau ci-dessous.

Tableau 2 : analyse externe du corpus de Casselman (ON)

Facteur social

% de [tʊt]

n/N

Effet

Sexe

Hommes

70,4

309/439

0,56

Femmes

56,5

234/414

0,43

Âge

51 ans et +

53,2

164/308

0,39

31 à 50 ans

66,0

208/315

0,55

30 à 21 ans

74,3

171/230

0,58

Classe sociale

Supérieur

54,2

161/297

0,41

Moyenne

59,0

186/315

0,43

Inférieure

81,3

196/241

0,68

Niveau de scolarité

Universitaire

51,4

243/473

0,43

Collégial

91,0

101/111

0,73

Secondaire

74,0

199/269

0,53

La colonne 1 du tableau indique le facteur social pris en compte. La colonne 2 fournit les pourcentages. La colonne 3 donne le nombre d'occurrences n de /tʊt/ sur le nombre N de /tʊt/+/tu/+/tʊs/. Enfin, la dernière colonne permet de lire l'indice effet obtenu à partir du test Goldvarb. Comme précédemment, retenons que plus l'indice effet tend vers 1 plus le facteur joue en faveur de la variante, plus l'indice effet tend vers 0, moins le facteur joue en faveur de la variante mesurée.

L'analyse rend compte du fait que chaque facteur social est significatif. En effet, les résultats permettent de dresser le bilan suivant :

1) la forme [tʊt] est davantage caractéristique des hommes (effet = 0,56) que des femmes (effet = 0,43) ;

2) la forme [tʊt] est davantage caractéristique des plus jeunes locuteurs (effet = 0,58) que de la classe intermédiaire (effet = 0,55) et des plus vieux (effet = 0,39) ;

3) la forme [tʊt] est davantage caractéristique de la classe inférieure (effet = 0,68) que de la classe moyenne (effet = 0,43) et de la classe supérieure (effet = 0,41) ;

4) la forme [tʊt] est davantage caractéristique du niveau d'étude collégial (effet = 0,73) que du niveau universitaire (effet = 0,43) et du niveau secondaire (effet = 0,53).

Remarquons que la catégorie collégial est la seule catégorie intermédiaire à ne pas obtenir une valeur située entre celles des deux pôles de chaque échelle. Si la forme [tʊt] est davantage rejetée par les locuteurs de niveau universitaire, on s'attendrait à ce que les locuteurs de niveau collégial rejettent davantage cette forme que les locuteurs de niveau secondaire. Comment peut-on alors expliquer ce problème ?

Une analyse plus en profondeur (crosstab) des occurrences de [tʊt] a révélé que la catégorie des locuteurs de niveau collégial était la catégorie qui produisait le plus de /tʊt/ employés comme AdvQMS (adverbe de quantification masculin singulier). Or, on a vu dans l'analyse interne présentée dans le tableau 1, que dans le corpus de Casselman, ce facteur interne a un poids particulièrement important (effet = 0,88). On peut donc en conclure que l'indice effet attribué aux locuteurs de niveau collégial reflète davantage une contamination de l'effet du facteur interne AdvQMS sur cette catégorie plutôt qu'un réel effet du facteur externe niveau d'éducation.