La sociolinguistique en résumé
Comme nous l'avons souligné dans l'introduction, la sociolinguistique est une branche relativement récente de la linguistique. Elle envisage les productions langagières des locuteurs comme conditionnées par des paramètres sociaux précis. Si certains linguistes comme Ralph Fasold (voir Fasold (1987)[1] et Fasold (1990)[2]) distinguent la « sociologie du langage » (qui vise une connaissance plus approfondie de la société à travers son langage) de la « sociolinguistique » (qui tente d'établir une relation entre l'appartenance sociale d'un individu et ses usages langagiers), d'autres, dont Fishman (1971)[3], les confondent. Toutes deux forment une même science avec la même problématique. Bayon (1996)[4] note qu'en France, Marcellesi et Gardin (1974)[5] réuniront l'« ethnolinguistique », la « sociolinguistique » et la « sociologie du langage » sous ce qu'ils définiront comme la « linguistique socio-différentielle ».
La sociolinguistique considère, tout d'abord, que le sujet de son étude ne peut être ni la « langue » (au sens saussurien), abordée comme systèmes de signes, ni la « compétence » (au sens chomskyen), décrite comme système de règles. Bayon (1996, p. 35)[4] souligne que, dès 1972, Hymes développe le concept de « compétence de communication ». Pour ce dernier, il ne suffit pas de connaître la langue. La maîtrise de celle-ci au sein de son contexte social est primordiale.
Bien que l'objet de la sociolinguistique soit, en résumé, l'étude du langage dans son contexte socioculturel, on peut distinguer plusieurs approches, plusieurs « sous-disciplines » quasi autonomes Bayon (1996, p. 36)[4] :
1) l'ethnographie de la parole observe la parole comme phénomène culturel ;
2) la linguistique variationniste rend compte de corrélations systématiques entre les productions langagières et des paramètres internes et externes à la langue ;
3) la macro-sociolinguistique (qui étudie le bilinguisme, la planification linguistique, etc.) n'observe non pas des corpus d'énoncés, mais des systèmes, des variétés de langues coexistant au sein d'une même communauté.
Les objectifs diffèrent, en fait, selon deux principaux points de vue. La première approche donne priorité au social sur le linguistique. Les divers aspects de l'organisation sociale sont incorporés systématiquement dans l'analyse linguistique. La théorie à établir est une théorie du langage dans son contexte socioculturel qui vise à comprendre la vie sociale Bayon (1996, p. 37)[4] La seconde approche considère que les problèmes linguistiques ne peuvent être résolus que par le social (c'est l'approche prise notamment par William Labov, comme nous le verrons bientôt). C'est la communauté linguistique qui fournit l'essentiel des découvertes sur le langage.
Si certaines approches de la sociolinguistique peuvent diverger, on constate tout de même que les méthodes d'analyse adoptées par les scientifiques restent sensiblement les mêmes. L'échantillon de la population est prélevé dans un territoire délimité. La cueillette des données linguistiques s'effectue, le plus souvent, au moyen d'une collecte de matériaux faite sur le terrain à l'aide d'un questionnaire ou d'un enregistreur audio. Enfin, la présentation des résultats à interpréter est réalisée sous forme de tableaux et graphiques permettant une exposition directe des corrélations.
Chevillet (1991, p.46)[6] remarque finalement que : « En fait, en passant de la dialectologie traditionnelle – et structurale – à la sociolinguistique, le centre d'intérêt s'est déplacé complètement : d'une stratification horizontale (c'est-à-dire, géographique), on est passé à une stratification verticale (c'est-à-dire sociale). »
Cette stratification verticale sera effectivement reprise dans les travaux variationnistes.