Introduction

La morphosyntaxe du français laurentien
Informations[1]

Selon Parisse (2009, p. 1)[2] : « la morphosyntaxe concerne l'ensemble des structures qui permettent de construire grammaticalement un énoncé. Elle porte aussi bien sur les formes des mots, flexions régulières et irrégulières, variantes irrégulières de certains noms et verbes, l'agencement des marques syntaxiques autour du nom (déterminants, etc.), du verbe (pronoms, etc.), de l'adjectif, de l'adverbe, et enfin de l'organisation des mots et groupes de mots dans un énoncé ou une phrase. »

Soulignons immédiatement qu'il est impératif de faire une distinction essentielle entre la morphosyntaxe de l'oral et celle de l'écrit. La première est beaucoup plus libre (ou floue) que la seconde, puisque lorsqu'on écrit, on se soumet généralement aux règles fixées par les grammairiens et consignées dans les grammaires d'usage (par exemple, le Bon usage de Grevisse-Goosse), mais ces règles ne fonctionnent pas nécessairement de la même manière ou n'existent tout simplement pas à l'oral. Par exemple, si à l'oral on peut très bien dire « Faut pas qu'i parte ! », cela ne serait pas acceptable à l'écrit, où on exigerait « Il ne faut pas qu'il parte ! ». Il faut également distinguer entre les niveaux de langue à l'oral. Un texte lu à voix haute – qui n'est pas réellement de l'oral mais de l'écrit oralisé – n'aura certainement pas la même structure morphosyntaxique que celle d'un discours public spontané, et ce dernier se distinguera également des énoncés produits, par exemple, dans une conversation informelle ou familière entre amis, etc. Dans les lignes qui vont suivre, il s'agira uniquement de structures morphosyntaxiques typiques de discours oraux familiers ou vernaculaires.

La morphosyntaxe des variétés françaises de l'Ouest canadien n'a pas encore été entièrement décrite – loin de là. Néanmoins, nous disposons de quelques descriptions partielles ou générales pour l'une ou l'autre des variétés, et c'est à partir de celles-ci que nous présenterons les caractéristiques morphosyntaxiques les plus typiques (par exemple, Canac-Marquis et Guilbault, 2014[3] pour la Colombie-Britannique; Rochet, 1993[4] et 1994[5], Walker, 2005a[6] et 2005b[7] pour l'Alberta; Hallion Bres, 2004[8] et 2006[9] et Rodriguez, 2006[10] pour le Manitoba; Papen, 2004b[11] pour le français mitchif). Comme nous le verrons, la très grande majorité des phénomènes observés sont également connus et utilisés au Québec, et certains d'entre eux sont même connus et utilisés en français hexagonal. Soulignons finalement que bon nombre des phénomènes que nous allons décrire ci-dessous sont le résultat soit de l'influence prépondérante de la langue anglaise, soit des tendances naturelles de l'évolution des langues en général et de la langue française en particulier, ou encore des deux à la fois. Nous y reviendrons.