Les pronoms personnels
La description des pronoms personnels est quelque peu plus détaillée pour les variétés de français laurentien et ceux-ci affichent plusieurs différences par rapport au français hexagonal.
• La plupart des pronoms ont une forme tronquée : il → [i] devant consonne, [j] devant voyelle, elle → [a] devant consonne, [al] devant voyelle et [ɛ] devant certaines formes du verbe être : elle est partie [ɛpaʀʦi]), ils → [i] devant consonne, [iz] ou [j] devant voyelle. On remplace le plus souvent elles par ils (et voir la prononciation ci-dessus) : les châssis, ils [j] avaient une poignée; les charrues, ils [i] pouvaient pas être partout... et les pronoms complément objet indirect lui et leur sont remplacés par y ([i] ou [j]) et leu ([lø]) devant consonne, [løz] devant voyelle, respectivement : je lui donne [ʒidɔn], elle lui a dit [ajaʣi], je leur donne [ʒlødɔn], je leur ai donné [ʒløzedɔne]; leur peut également être remplacé par les : on les donne la salle...;
• Les suites de pronoms clitiques comme, je les, je la, il la, je te le, je te la, etc. ont tendance à former des crases comme dans : je les prendrais ben... [ʒepʀɑ᷉dʀɛbɛ᷉]; je la vois [ʒavwa]; je te le donne [ʃtəldɔn]; je te la donne [ʃtadɔn]; etc. Par contre, le l des pronoms le et la se redouble lorsqu'ils perdent leur voyelle et qu'ils sont précédés d'une voyelle : je l'ai vue [ʒəllevy].
• À l'impératif, l'ordre des pronoms complément d'objet n'est pas celui attendu : au lieu de donne-le-moi/donne-le-toi/donne-le-nous, etc., on aura donne-moi-le/donne-toi-le/donne-nous-le (souvent prononcé lé [le]). La combinaison le lui/la lui est réduite à y : donne-le/la-lui devient donne-z-y. À l'impératif négatif, on utilise le même ordre postposé qu'à l'affirmatif : donne-moi-le pas; donne-z-y pas, etc. Finalement, l'un des pronoms conjoints peut être remplacé par un pronom disjoint : au lieu de donne-le-lui on peut entendre donne-le à lui; au lieu de donne-le-moi on aura donne-le à moi, etc.
• Le pronom personnel sujet de la 1e personne du pluriel nous n'est presque jamais employé et est remplacé par on;
• En général, les pronoms sujets conjoints (comme on, vous, ils, elles) sont accompagnés par la forme disjointe, renforcée par -autres (prononcé [ot]) : nous-aut', on part; vous allez partir, vous-aut'; eux-aut', i' sont partis, etc. C'est également la forme renforcée que l'on voit lorsque le pronom est objet d'une préposition : une famille à côté de nous-aut'; y avait pas rien pour eux-aut' au Québec;
• Les pronoms moi et toi se prononcent surtout [mwe] et [twe].
• Dans tous les parlers laurentiens, le pronom ça peut être employé pour faire référence à des personnes, soit comme sujet, soit comme complément d'objet, au singulier comme au pluriel : la madame, ça parlait fort !; ces enfants, ça vient tanné (= ennuyé/fatigué) !; ça était une Fortier, elle. Au Québec, cet emploi du ça personnel est connu, mais en général il prend un sens quelque peu péjoratif, comme dans Les jeunes, ça s'habille mal! ou encore Les bébés, ça braille tout l' temps ! Par contre, il semble que dans les parlers de l'Ouest, cet aspect péjoratif est absent, comme le suggèrent les exemples ci-dessus. Aussi, en français mitchif, le verbe s'accorde non pas avec la forme ça elle-même (donc au singulier) mais avec l'entité à laquelle ça réfère (Papen, 2004a)[1]. Ainsi, les gens de Winnipeg, quand ça viennent ici...; ceuses-là, ça l'ont pendu Riel...
• Phénomène encore mal compris, il existe une tendance à insérer un l entre un substantif se terminant par une voyelle et un verbe à initiale vocalique : la pluie l'a bien pris...; ça l'a un côté très favorable...; i' l'ont dit qu'i' étaient pour aller voir...; j'ai jamais vu une personne qui l'est bête..., etc. Devant le pronom en, on insère plutôt un n : ça n'en voulait...; on va n'en chercher..., etc. En français mitchif, le l peut s'insérer même si le mot qui précède se termine par une consonne : quand mon père l'a arrivé...; pis, l'aut' l'était parti...
• Lorsque le contexte le permet, un pronom sujet peut être effacé : __fallait qu'ils allent (= aillent) dans un petit village ; __m'en rappelle pas; __chauffaient ça pis __emmenaient les enfants à l'école... Dans l'exemple suivant en français mitchif, il s'agit d'un homme qui a perdu un renard qu'il avait attaché à une chaîne. On se rendra compte que le pronom effacé peut faire référence soit à l'homme en question, soit au renard : I'en a perdu un...avec la chaîne. __ l'a jamais trouvé. __l'a cassé sa chaîne auprès du bois. __ est parti avec la chaîne. __ l'a jamais trouvé.