L'analyse de « j'vais »
La première variante que nous allons examiner est j'vais. Notons dès maintenant que les résultats concernant cette forme incluent, bien entendu, les occurrences où le e caduc est prononcé (c'est-à-dire dans « jE vais »), mais aussi les occurrences de j'm'en vais, forme trop peu employée (3 occurrences seulement) pour être prise en compte seule. Les résultats sont présentés dans le tableau 2, ci-dessous.
Facteur extralinguistique | N de j'vais | N de j'vas+m'as | % de j'vais | Effet |
---|---|---|---|---|
Âge | ||||
+ de 45 ans | 51 | 98 | 34 | 0,37 |
25 à 45 ans | 72 | 54 | 58 | 0,59 |
- de 25 ans | 31 | 18 | 63 | 0,62 |
Éducation | ||||
Universitaire | 135 | 97 | 58 | 0,63 |
12 années | 17 | 21 | 45 | 0,44 |
- de 12 années | 2 | 52 | 4 | 0,09 |
Sexe | ||||
Hommes | 50 | 87 | 36 | 0,35 |
Femmes | 104 | 83 | 56 | 0,60 |
Facteur linguistique | N de j'vais | N de j'vas+m'as | % de j'vais | Effet |
Habituel vs futur | ||||
Habituel | 71 | 64 | 53 | NS |
Futur | 83 | 106 | 44 | |
Total | 154 | 170 | 48 | - |
Avant de nous attacher aux résultats du tableau 2, prenons le temps de présenter les informations qu'il fournit.
Deux grandes catégories de facteurs sont mises de l'avant dans la première colonne. Comme nous l'avons vu dans le module 1, l'approche variationniste tient compte des facteurs extralinguistiques (c'est-à-dire les facteurs sociaux) et les facteurs linguistiques. Dans ce tableau, nous retrouvons donc naturellement les facteurs extralinguistiques âge, niveau d'éducation et sexe. Remarquons tout de suite que les locuteurs ont été répartis en trois classes d'âge : les personnes ayant plus de 45 ans, les interviewés âgés de 25 à 45 ans ainsi que les locuteurs âgés de moins de 25 ans. Ces catégories, différentes de celles présentées dans le tableau 1, regroupent davantage de locuteurs dans les cellules et permettent ainsi de rendre compte d'un effet plus saillant de l'âge sur l'emploi de la variante j'vais.
Pour ce qui est du facteur linguistique, nous avons sélectionné l'opposition entre l'usage de la variante à l'habituel (ex : tous les soirs, j'vais jouer au hockey avec mes amis) et l'emploi de j'vais au futur (ex : ce soir, j'vais aller au cinéma), car ce facteur s'est révélé significatif dans l'étude de Mougeon, Nadasdi et Rehner (2009)[1].
La colonne 2 présente le nombre total d'occurrences (N) de la forme j'vais. La troisième colonne présente le nombre d'occurrences des deux formes concurrentes combinées, à savoir j'vas et m'as. La quatrième colonne fournit les pourcentages de j'vais, et la dernière colonne donne l'effet du facteur sur la variante j'vais. Rappelons trois éléments importants : 1) plus l'indice tend vers 1 plus le facteur joue en faveur de la variante, plus l'indice tend vers 0, moins le facteur joue en faveur de la variante mesurée. NS indique que le facteur n'est pas significatif et donc qu'il ne joue aucun rôle sur l'utilisation de la variante. Enfin, KO (pour l'anglais knock-out) indique une valeur catégorique et donc une absence de variation.
À la lumière des résultats présentés dans le tableau 2, on peut donc déduire que :
1) plus les locuteurs sont âgés, moins ils sont favorables à j'vais (effet de 0,37 pour les 45+ vs effet de 0,62 pour les -25) ;
2) plus les locuteurs ont un niveau d'éducation élevé, plus ils tendent à employer j'vais (effet de 0,63 pour les universitaires vs effet de 0,09 pour les -12 années) ;
3) les femmes tendent davantage à employer la variante j'vais que les hommes (effet de 0,60 pour les femmes vs effet de 0,35 pour les hommes).
4) l'opposition habituel vs futur n'est pas significative et l'on n'observe donc aucune distinction à partir de ce facteur linguistique.
Passons maintenant à l'analyse de j'vas.