L'analyse de « m'as »

La dernière forme que nous allons maintenant aborder est la variante m'as. Dans le cas de cette variante, le problème de la prononciation ou de l'élision du e caduc ne se pose évidemment pas, celui de l'insertion du pronom « en » non plus.

Tableau 4 : Effet des facteurs extralinguistiques et linguistiques sur "m'as"

Facteur extralinguistique

N de m'as

N de j'vais+j'vas

% de m'as

Effet

Âge

+ de 45 ans

19

130

13

KO

25 à 45 ans

0

126

0

- de 25 ans

0

49

0

Éducation

Universitaire

0

232

0

KO

12 années

0

38

0

- de 12 années

19

35

35

Sexe

Hommes

18

119

13

0,87

Femmes

1

186

0,5

0,19

Facteur linguistique

N de m'as

N de j'vais+j'vas

% de m'as

Effet

Habituel vs futur

Habituel

1

134

1

0,17

Futur

18

171

10

0,75

Total

19

305

6

-

Comme nous l'avons toujours fait jusqu'à présent, attardons-nous un instant sur les informations que le tableau 4 fournit. Ce dernier s'organise de façon identique aux tableaux 2 et 3. Dans ce tableau, nous retrouvons donc naturellement les facteurs extralinguistiques âge, niveau d'éducation et sexe, ainsi que le facteur linguistique habituel vs futur.

La colonne 2 présente ne nombre d'occurrences (N) de la forme m'as. La colonne suivante présente le nombre d'occurrences des deux formes concurrentes combinées, à savoir j'vais et j'vas. La quatrième colonne fournit les pourcentages de m'as et la dernière colonne donne l'effet du facteur sur la variante m'as. Rappelons les trois éléments suivants : 1) plus l'indice tend vers 1 plus le facteur joue en faveur de la variante, plus l'indice tend vers 0, moins le facteur joue en faveur de la variante mesurée. NS indique que le facteur n'est pas significatif et donc qu'il ne joue aucun rôle sur l'utilisation de la variante. Enfin, KO (pour l'anglais knock-out) indique une valeur catégorique et donc une absence de variation.

Ce dernier tableau indique que deux facteurs se sont révélés significatifs :

1) le premier facteur significatif est extralinguistique : le facteur sexe. En effet, on constate une divergence très importante entre les hommes et les femmes dans l'emploi de la variante m'as. Cette forme semble très largement caractéristiques des hommes, puisque l'effet obtenu pour cette catégorie de locuteurs est de 0,89. Inversement, la catégorie des femmes obtient un effet de seulement 0,19. Autrement dit, les femmes tendent clairement à éviter la forme m'as. Il faut cependant nuancer ce résultat. En effet, 18 des 19 occurrences de la variante ont été produite par un seul et unique locuteur dont le niveau d'éducation est de moins de 12 années. On ne peut donc pas tirer de conclusion sur l'ensemble des locuteurs de sexe masculin. Peut-on également en conclure que m'as, de par sa grande rareté, est une forme clairement en déclin ? Non plus, car il faut rappeler que les entrevues ont été réalisées auprès de locuteurs fortement éduqués, qui, on le sait, ont tendance à éviter cette forme considérée comme étant de niveau populaire.

2) le second facteur significatif est linguistique : l'opposition habituel vs futur. Tout comme dans le cas de l'opposition entre les hommes et les femmes, on observe ici un écart très important entre l'emploi de m'as à l'habituel et au futur. Cette forme semble effectivement être davantage employée dans un contexte futur (l'effet obtenu étant de 0,75), alors qu'elle ne l'est que très peu dans un contexte habituatif (effet étant uniquement de 0,17).