Présentation du corpus et de la méthodologie

L'étude se base sur une analyse du corpus Lavallée, recueilli dans la petite communauté manitobaine de Saint-Laurent, dont les données démolinguistiques contemporaines peuvent être consultées ici.

Le corpus Lavallée regroupe un ensemble d'entrevues semi-dirigées informelles d'une cinquantaine de locuteurs du français mitchif de Saint-Laurent, effectuées en 1987 par le Père Guy Lavallée, membre bien connu de la communauté et également Métis. Le fait d'être lui-même Métis et d'être un membre bien connu de la communauté de Saint-Laurent est un point particulièrement important, car ceci lui assurait un très haut degré d'informalité conversationnelle. Autrement dit, les locuteurs avec qui il conversait étaient susceptibles d'avoir davantage recours au vernaculaire local le plus représentatif possible, plutôt qu'à une variété plus normée.

Les entrevues portaient surtout sur le vécu (actuel et passé) des locuteurs, le but de Lavallée étant de faire une description ethnographique de la communauté pour son mémoire de maîtrise à la University of British Columbia ( Lavallée, 1988[1]). La durée totale des enregistrements est d'un peu plus de 50 heures. Le tableau ci-dessous, présente la répartition des locuteurs pour chaque facteur social.

Tableau 1 : Répartition des locuteurs par facteur social

Âge

≤ 20

21 à 40

41 à 60

61 à 80

≥81

Total

Sexe

Hommes

3

3

8

9

5

28

Femmes

1

3

6

6

5

21

SES

Cols bleus

4

6

4

0

1

15

Cols blancs

0

0

10

15

9

34

Total

4

6

14

15

10

49

Arrêtons-nous un instant sur la constitution du tableau 1. La première ligne détermine la classe d'âge des locuteurs. Les locuteurs ont été stratifiés selon cinq tranches d'âge (très aînés : 81 ans et plus, âge d'or : 61 à 80 ans, adultes : 41 à 60 ans, jeunes adultes : 21 à 40 ans et jeunes : moins de 20 ans). Les personnes interviewées ont été classées selon le sexe et selon leur statut économique et social (repris par l'acronyme SES) ancien ou actuel : chasseur/pêcheur/éleveur/ouvrier pour les hommes; ménagère/ouvrière/femme de ménage pour les femmes (que nous désignerons comme « cols bleus ») vs « cols blancs » : instituteur/institutrice, politicien, administrateur, fonctionnaire, etc.

Comme nous pouvons le constater, certaines cellules sont nettement plus représentées que d'autres. Par exemple, les locuteurs âgés de moins de 20 ans ne comptent que 4 personnes alors que la catégorie des locuteurs âgés de 61 à 80 ans est représentée par 15 personnes. Les locuteurs âgés de 21 à 40 sont, eux aussi, peu nombreux (6 personnes) par rapport aux trois autres catégories allant de 41 ans à 81 ans et plus. Comme nous l'avons vu dans le module 1, lorsque l'on crée un corpus, on essaie idéalement d'assurer un équilibre entre chaque catégorie et donc d'avoir le même nombre de locuteurs par cellules. Cependant, les enquêtes de terrain ne permettent pas toujours d'aboutir à la constitution d'un corpus idéal. Cela n'est pas nécessairement un problème, puisque, comme nous le verrons dans un instant, un traitement statistique précis permet de tenir compte de ce type d'écueil.